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Pour sa cinquième édition, le festival Portrait(s) de Vichy (Allier) présente jusqu’au 10 septembre la première rétrospective française de l’artiste chinois Liu Bolin, mondialement connu pour son art du camouflage.
Au total, 56 photographies, faisant partie de la célèbre collection « Hiding in the city » de l’artiste chinois Liu Bolin, sont installées sur l’esplanade du lac d’Allier, à Vichy. « C’est la première fois qu’on présente en France mon travail de manière aussi complète », se réjouit Liu Bolin, qui avait déjà été exposé une première fois en plein air en Suisse. Jusqu’au 10 septembre, les oeuvres de l’artiste sont, en effet, exposées dans le cadre du 5ème Festival Portrait(s).
Figure de la bouillonnante scène artistique chinoise, Liu Bolin a acquis une reconnaissance internationale grâce à son art du camouflage. Revêtu d’une vareuse militaire, inspirée des costumes des années Mao, son corps est droit, immobile et ses yeux clos, méticuleusement repeints, se fondent dans le paysage.
Si l’exercice de style est ludique – le spectateur pense inévitablement aux livres-jeux « Où est Charlie ? » – les oeuvres du plasticien caméléon sont avant tout un acte « de résistance passive ». A l’origine de son travail, la destruction sans préavis par le gouvernement de son atelier dans le village de Suo Jia en 2005, vue des travaux de préparation des jeux Olympiques de Pékin. « Derrière la raison officielle, il y avait une raison politique: le pouvoir ne voyait pas d’un très bon oeil la réunion au même endroit de 140 artistes », explique Liu Bolin.
Sans argent, sans matériel ni lieu pour créer, le sculpteur choisit alors d’utiliser son corps pour exprimer son indignation. « C’était un vecteur de communication avec les Chinois victimes eux aussi d’injustices », raconte l’artiste de 44 ans qui cible dans ses oeuvres les maux de la Chine moderne.
Maître ès invisibilité
Dans une série de clichés intitulée « Supermarché », ce maître ès invisibilité disparaît ainsi dans des rayonnages de légumes, de canettes de sodas ou de nouilles instantanées pour dénoncer les scandales alimentaires. Il questionne les symboles du pouvoir dressé devant le Temple du Ciel ou une effigie de Mao; l’entrée de la société chinoise dans la société de consommation, incrusté au milieu de pandas en peluche ou de téléphones portables ; ou la liberté d’expression, dissimulé dans des « Unes » de magazines.
Mais à l’inverse de son compatriote Ai Weiwei, devenu la bête noire des autorités communistes, Liu Bolin assure « ne pas être en délicatesse » avec Pékin. « Les pouvoirs publics utilisent mes oeuvres pour dénoncer certains problèmes », assure celui qui travaille beaucoup à l’étranger depuis quelques années – Paris, Venise ou New York notamment.
Avec la série de photos « Art Hacker », il a interrogé, en 2016, l’art à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux en se camouflant devant des célèbres toiles, comme « La Joconde » de Vinci, « Guernica » de Picasso ou « La Liberté guidant le Peuple » d’Eugène Delacroix.
Ses prochaines performances toucheront à l’écologie dans un cadre toujours plus universel. « J’essaie de faire le lien entre l’art et la société, de donner des pistes de réflexion en interpellant les spectateurs face aux problèmes économiques et sociaux. » Très populaire en France, Liu Bolin sera à l’honneur d’une autre grande rétrospective à la Maison Européenne de la Photographie à Paris, du 6 septembre au 29 octobre.
Parallèlement, il investira la Galerie des enfants du Centre Pompidou du 9 septembre au 8 janvier prochain.